En
quittant ma chère paysanne moribonde (je n’ai pas eu le courage de lui dire que
mieux valait mourir que de mener cette chienne et cette cochonne de vie !) – en
quittant la paysanne moribonde qui, comme moi, crache le sang, je suis allé voir
Mme Anežka Nožičková à Kočičina, car c’est ainsi que se nomme le faubourg de
Třebíč – je ne l’ai pas trouvée chez elle, mais les gens aiment Anežka Nožičková
comme ils s’aiment eux-mêmes, les habitants d’un même quartier reconnaissent les
leurs et les aiment bien, et même si, pour ma part, je n’habite aucun quartier
d’aucune ville, ils m’ont rempli de cerises un grand bocal de cinq litres, comme
pour les cornichons, et ils ont versé par-dessus de l’alcool, de la gnôle,
c’est-à-dire de l’alcool pur, c’est resté pendant des semaines au soleil à ma
fenêtre, mais ça n’y est plus, car j’ai commencé à boire cet alcool et j’ai déjà
tout bu, jusqu’à la dernière goutte. L’ami Karel Veselý, caissier à la Banque de
l’artisanat à Karlsbad, l’homme au monde qui de tout le monde m’est le plus
cher, parce qu’il aime la Dalmatie et la mer comme moi-même, et qu’il aime sa
fille Maryon, ma future bien-aimée pour le jour où je serai descendu dans la
tombe, car je crois à la vie éternelle et je sais que toutes les cuisses
ressusciteront et, parmi elles, deux cuisses que j’ai désiré d’embrasser et que
Dieu me décernera, car il est juste, et ma félicité éternelle consistera
toujours en ceci, qu’il me sera permis dans les siècles des siècles d’embrasser
ces deux cuisses, tout à fait en haut, à la racine, parce que je suis poète et
prêtre catholique et homme maudit.
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JAKUB DEML