© Ena Lindenbaur
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Les
peintres
Jean-Gilles Badaire est né en 1951. Bourlingueur et bonhomme, il sait habiter le monde, et s'adapter à son milieu. Il sait occuper l'espace dont il dispose, ni plus, ni moins. Lorsqu'il commence à peindre, il vit dans une guérite de garde-barrière au bord d'une voie ferrée à l'abandon : il se contente alors de très petits formats. Plus tard, promu par des hasards squatteur numéro un du château de Chambord, il déplie de grands draps et se frotte à l'échelle dite monumentale. Enfin, il n'hésite pas à investir le grand dehors - en accrochant des toiles aux arbres et des pirogues aux cabanes dans le parc d'un hôpital psychiatrique où il se rend souvent, dit-il, apporter de la peinture comme tel autre, tous les matins, du pain. Ceci dit, il ne perdra jamais sa manière minuscule, puisqu'il consacre depuis ses débuts, et jusqu'à aujourd'hui, une bonne partie de son travail à l'accompagnement des poètes, dans le format par définition réduit du livre. Un certain nombre de ces auteurs sont proches de moriturus et/ou de fissile : Lokenath Bhattacharya, Bernard Noël (Sonnets de la mort, fissile), Cédric Demangeot, Olivier Matuszewski (pour frai, fissile)... Retenons également René Daumal, Blaise Cendrars, Marcel Griaule, Giuseppe Ungaretti, etc. La peinture de Jean-Gilles Badaire est nomade, animale et matiérée. Elle a l'épaisseur de la réalité, elle pèse comme un corps. Elle a l'odeur forte, la chaleur sourde et presque : la moiteur et le bruit de cette Afrique qu'elle traverse. Sa maladresse, son désordre, sont une générosité - en même temps qu'une manière de dire. Le geste est justement gauche. La trace est inquiète, physique et sensuelle. Comme le signe de vie que fait un homme - à d'autres. C'est une peinture du corps - une peinture mortelle - et par conséquent : obstinément vivante.
Ceci dit. Si Jean-Gilles Badaire passe par l'Afrique, il ne s'y arrête cependant pas. Sa peinture est plutôt comme un trajet - sans cesse recommencé mais qui n'oublie jamais de revenir : à notre méchant Nord, à notre Occident foutu. Cette peinture a ses racines dans une terre première, dans une glaise originelle, mais elle est criblée par le néant de notre aujourd'hui bitumé, qui demeure forcément sa destination. Elle sourd de la source intemporelle - et se confronte aux politiques du pire. Elle sort alors de sa bonhommie pour se risquer à la colère, à une violence de combat - qu'on pourrait rallier à celle d'un Paul Rebeyrolle -, et délaisse les argiles chaleureuses pour le noir et le rouge - le goudron, le sang - la douleur et la révolte.
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